Contempler la fin du jour et le lever de la nuit depuis le sommet du pic Cassini, à l’est de l’échine du mont Lozère, est une expérience mémorable. Même si l’altitude reste modeste, l’impression de dominer le sud de la France est accentuée par la noirceur du vaste territoire de la Réserve internationale de ciel étoilé du parc national des Cévennes qui vient buter sur les villes constellées de lumières artificielles s’étalant au loin jusqu’à la côte méditerranéenne. La plus proche est Alès, à 35 km à vol d’oiseau, qui se signale légèrement à gauche du centre de ce panorama par l’éclat puissant, mais heureusement temporaire, de son stade de football. Cette image prise fin octobre durant le crépuscule montre comment la nuit s’empare progressivement du ciel et libère les étoiles du joug solaire. Technique : boîtier Sony A7s avec un objectif Nikon 14-24 mm à 20 mm ; mosaïque de quatre champs horizontaux avec une pose de 15 secondes (3,2, 640 ISO) par champ.
© Guillaume Cannat

LEVER DE LA NUIT AU SOMMET DU PIC CASSINI

La montée était douce. Je suivais les mille traces laissées dans les bruyères par les brebis qui arpentaient les pentes du pic Cassini durant l’été. J’avais laissé sur ma gauche l’enclos qu’elles avaient enrichi et qu’une herbe drue et jaunie envahissait à présent. Des myrtilliers se faufilaient partout entre les bruyères, exposant leurs feuilles violacées aux rayons obliques d’un soleil fatigué. Moins d’une heure avant la fin du jour, le ciel bleu pâle attendait la nuit et je progressais résolument, zigzaguant entre les flaques et les filets d’eau éparpillés par les pluies diluviennes des jours précédents.

Avec mes appareils et mes affaires chaudes, mon sac à dos était gonflé, mais la pyramide d’acier au sommet du pic Cassini était déjà en vue, dominant un bel amoncellement de blocs granitiques. Les longs cirrus tressés dans le ciel du couchant ne me dérangeaient pas, au contraire, ils magnifieraient les lueurs crépusculaires le moment venu. Arrivé au sommet, des rafales de vent plaquèrent mon tee-shirt humide contre mes reins et je me changeai en admirant la vue. Au nord-est, le mont Blanc bosselait la ligne d’horizon avant qu’elle ne se transforme en un chemin de ronde aux créneaux érodés en traversant la Vanoise. J’installai mon matériel photographique et mangeai lentement en regardant la nuit monter. Perdue dans l’océan crépusculaire, Jupiter brillait déjà au sud comme un phare lointain ébranlé par la turbulence.

Alors que l’ouest s’embrasait, l’obscurité enveloppait lentement les Cévennes qui ondulaient devant moi jusqu’à l’Aigoual. Cette étendue sombre était à peine troublée par le reflet de l’ultime blancheur du jour sur les filets d’eau s’échappant des sources du Tarn ; je me levai pour photographier la scène. Les couleurs naturelles s’effaçaient, mais des milliers d’étoiles artificielles s’allumaient au loin et je croyais voir des vagues aux embruns lumineux s’abattre sur les flancs sombres des vallées cévenoles. Le contraste visuel entre l’horizon barbelé d’éclats électriques et le territoire d’un noir profond qui m’entourait était saisissant et je délaissai mes appareils pour savourer le surgissement du grouillement stellaire.

Les volutes blanchâtres de la Voie lactée guidaient ma contemplation alors que Jupiter tombait vers le sud-ouest, son éclat puissant concurrençant les flashs écarlates des alignements d’éoliennes. La Grande Ourse se reposait sur l’horizon nord avant une nouvelle ascension de la voûte nocturne et le silence était total à présent que le vent s’était endormi. Apaisé, je m’allongeai sur le sol sableux et me plongeai sans peur dans l’immensité qui m’enveloppait.

L'ombre de la Terre caresse le mont Lozère.
© Guillaume Cannat

Lueurs crépusculaires sur les sources du Tarn.
© Guillaume Cannat

Jupiter au-dessus de l'Aigoual.
© Guillaume Cannat

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