Le jour s’éloigne sur le site des nuits du causse Noir, dans la Réserve internationale de ciel étoilé du parc national des Cévennes. Technique identique pour toutes les images de la série : boîtier Sony A7sD, objectif Nikon 14-24 mm@14 mm diaphragmé à 3,2, 15 secondes de poses à 4 000 ISO.
© Guillaume Cannat

UNE NUIT SUR LE CAUSSE NOIR

Vendredi 6 août 2021 (22 h 20 m), le crépuscule est bien avancé et tout le monde s’affaire autour des instruments. Jumelles, lunettes et télescopes jusqu’à près d’un mètre de diamètre sortent des caisses et des remorques. Il faut assembler, équilibrer, aligner les optiques et orienter les montures équatoriales vers l’axe du monde alors que l’étoile Polaire s’affiche timidement dans le ciel encore bleu. Quelques télescopes de Dobson sont déjà en action et les exclamations fusent dans la pénombre lorsque Saturne et ses merveilleux anneaux apparaissent. Le Scorpion se dresse fièrement au-dessus de l’horizon sud à côté du panache blanchâtre de la Voie lactée qui s’affirme et s’élève vers le zénith.

En avance, une étoile filante de l’essaim des Perséides zèbre le ciel loin de son radian, mais cela ne perturbe pas l’observateur absorbé par la contemplation de la galaxie spirale des Chiens de chasse. Les groupes se font et se défont au gré des déambulations nocturnes d’un instrument à l’autre. On se signale les bons plans : « au 900, ils ont pointé la nébuleuse de la Lagune, c’est somptueux ! », « là-bas, j’ai vu des détails dans les bandes de Jupiter, cela ne bougeait pas d’un poil », « tu as déjà observé l’annulaire de la Lyre ? » Majestueuse, la Voie lactée traverse le ciel de plus en plus sombre du nord-nord-est au sud-sud-ouest.

Un astrophotographe à l’humeur vagabonde s’installe quelques minutes devant mon appareil pour faire des images d’ambiances, sans remarquer qu’il est lui-même photographié. À sa droite, de grosses jumelles viennent de faire leur apparition et commencent leur balayage attentif des constellations à la poursuite des petites taches cotonneuses des nébuleuses et des galaxies. De l’autre côté de l’esplanade aux étoiles, la silhouette noire du plus gros miroir du rassemblement se détache un instant devant l’éclat attentif d’une lampe rouge.

Au loin, un observateur se trompe de lampe et éclaire un instant son environnement avec une lumière blanche éblouissante qui fait naître un cri de désapprobation unanime : « lumière ! » Trop tard pour les astrophotographes qui accumulent des poses dans ce secteur et qui viennent d’en perdre une ! Mes photos en poses longues et à haute sensibilité révèlent le moindre éclat, mais, à l’œil nu, l’obscurité est à peine troublée par les éclairages rouges des observateurs qui consultent cartes et atlas pour trouver leur prochaine cible.

Soudain, un rayon vert intense traverse le ciel durant quelques secondes : un groupe s’est formé autour d’un montreur d’étoiles qui trace rapidement la forme des constellations avec son laser avant de raconter des mythes et des légendes dans le noir. La Voie lactée est grandiose et la nébuleuse obscure de la Pipe est parfaitement visible à l’œil nu à droite du faisceau laser, dans la partie la plus épaisse du bulbe galactique.

Le point éclatant de Jupiter apparaît sur la gauche, rejoignant Saturne et la Voie lactée dans le champ de mon objectif. La nuit s’avance et la perturbation annoncée pour le matin commence à modifier les conditions d’observation. Les instruments se couvrent de condensation et les optiques les moins protégées attirent la buée ; on entend le bruit des sèche-cheveux qui s’activent ici et là. Cette humidité croissante diffuse la pollution lumineuse des villes de la côte méditerranéenne, qui grimpe de plus en plus haut du côté sud de la voûte céleste.

La Terre tourne et la Voie lactée glisse vers le sud-ouest. Les groupes de noctambules se font plus rares. Certains instruments s’endorment, mais, autour de moi, les coureurs d’objets célestes sont encore actifs et les jumelles virevoltent d’un amas globulaire à l’autre dans un silence ponctué par les voix basses des admirateurs.

L’humidité de plus en plus forte contraint les uns et les autres à rentrer ou à protéger le matériel d’observation. On démonte les instruments en tâchant de ne rien oublier malgré la fatigue et, surtout, de ne pas laisser tomber les petites vis et autres accessoires dans l’herbe trempée. La transparence du ciel se dégrade inexorablement. Vers le nord, la Grande Ourse se cache derrière les banderoles nuageuses qui envahissent lentement le ciel.

Le site s’endort avant l’aube. Montures, lunettes et télescopes ressemblent à des pénitents drapés de blanc figés dans une pose hiératique sous les étoiles. Un ou deux îlots peuplés d’irréductibles observateurs résistent encore et toujours à l’envahisseur, mais les nuages s’emparent finalement de la voûte céleste et les astronomes regagnent leur duvet pour rêver des paysages galactiques qu’ils parcourront demain, lorsque le beau temps sera revenu...

LE CIEL À L’ŒIL NU EN 2022

L’impression de la vingtième édition de ce guide annuel a été retardée par des délais inhabituels d’approvisionnement en papier et la date de mise en vente a été décalée au 7 octobre. Vous pouvez pré-commander cet ouvrage en ligne ou dans votre librairie habituelle.

Cliquez sur l’image ci-dessous pour lire le sommaire de cette édition d’anniversaire.

CALENDRIER ASTRONOMIQUE 2022

La huitième année de mon grand calendrier – 35 x 58 cm ouvert – arrivera également en librairie le 7 octobre et il est possible de la pré-commander en ligne et en librairie pour l’avoir au plus vite. Les astrophotographes Philippe Jacquot et Adrien Mauduit participent à cette édition.

À la fin d’une longue et glaciale nuit d’hiver, alors que les couleurs de l’aube s’emparent du ciel, le cœur de la Voie lactée s’extirpe de la pollution lumineuse engendrée par les villes de la côte méditerranéenne. Installé au sommet du mont Aigoual, je contemple à mes pieds les vallées très sombres de la bordure sud de la Réserve internationale de ciel étoilé du parc national des Cévennes. S’étendant sur près de 3 600 km2 ce territoire protégé des excès de l’éclairage artificiel constitue un refuge pour la faune, la flore et les amoureux de la nature et du ciel étoilé. Orbitant à 400 km d’altitude, la Station spatiale internationale trace un sillon lumineux dans le ciel alors que les poses photographiques s’enchaînent.
© Guillaume Cannat

TIRAGES D’ART

Gad Edery, fondateur de la Galerie GADCOLLECTION installée rue du Pont Louis-Philippe dans le Marais (Paris), m’a contacté ce printemps pour préparer une exposition de mes photographies de paysages célestes. Plus de quinze images sont déjà visibles sur le site de la galerie pour (re)découvrir mon travail nocturne !