Le Triangle d’été, qui rassemble les étoiles Véga de la Lyre, Deneb du Cygne et Altaïr de l’Aigle, est encore visible au-dessus de l’horizon ouest en début de nuit jusqu’au milieu de l’hiver. Il est ici enveloppé par la lueur verdâtre d’un bel airglow qui illumine l’eau du lac des Pises (parc national des Cévennes). Technique : boîtier Sony A7III défiltré avec un objectif Sony GM de 24 mm diaphragmé à 3,2 ; 360 secondes de pose sans entraînement (60 fois 6 secondes) à 6 400 ISO.
© Guillaume Cannat

UNE AVERSE DE GÉMINIDES

Soir de neige. La Voie lactée n’est qu’un reflet de la blancheur des champs. Au loin, des voitures roulent furtivement, soucieuses du moindre reflet glacé sur la chaussée. Mes pas crissent et craquent alors que je m’avance dans le noir lumineux des premières heures du soir. Jupiter paresse dans les Gémeaux sous l’œil goguenard de Castor qui frétille vivement. Une légère brise, ou plutôt quelques bulles d’air en mouvement, soulèvent parfois les branches des pins qui éparpillent leur charge de flocons. De temps en temps, la forme oblongue d’un faisceau lumineux balaye la route et fait naître mille étoiles nouvelles qui peuplent le bas du ciel avant de s’assoupir dans l’obscurité. Au sud, la ville affiche sa clarté saumonée sur les restes langoureux des nuées de l’après-midi.

Pléiades et Cocher tiennent le haut du pavé, dominant l’envol d’Orion. Saturne, songeuse, compare sa beauté à celle d’Aldébaran du Taureau et son immobilité de sphinx a de quoi surprendre dans ce ciel turbulent. La nuit dernière, avant cette brusque ondée blanche, des dizaines d’étoiles filantes de l’essaim des Géminides ont traversé le secteur. Certaines, par rafales, très brillantes, se prenaient presque pour des Taurides en surgissant vivement entre Hyades et Pléiades avant de fondre sur le Bélier et la tête de la Baleine. Elles montraient un éclat aux reflets d’un blanc bleuté très pur et s’étiraient sur une vingtaine de degrés. D’autres, plus communes, s’éparpillaient vers Orion, vite effacées, vite remplacées. Une fois encore, cet essaim tenait ses promesses. Rien de comparable avec le grand déballage nocturne des Léonides, mais un spectacle d’une bonne tenue qui aurait enchanté les foules s’il avait eu la décence de se produire dans le ciel de juillet. Au lieu de quoi, ses ébats automnaux dans une froidure hivernale ne pouvaient guère espérer retenir l’attention de plus de quelques poignées d’observateurs transis.

Assis dans une chaise longue, enveloppé de froid, j’aurais pu ressembler à un passager oisif de quelque croisière transocéanique, mais mon navire était la Terre et je regardais l’espace jeter son écume scintillante aux pieds des Gémeaux. Singuliers instants où je me plaisais à imaginer la boule terrestre roulant obstinément sur son orbite, insouciante des griffures lumineuses qui zébraient sa nuit. L’apparition régulière de ces lignes fugitives portait ma rêverie. Les pieds ancrés dans le sol gelé, j’errais dans l’espace, contemplant ma planète de si loin qu’elle en devenait ponctuelle, admirant l’essaim diaphane des poussières qu’elle croisait. J’écoutais le silence, à l’affût du moindre bruit nocturne, mais le froid vif avait figé la campagne. Aucune rumeur non plus de la famille de sangliers – une laie et ses marcassins – qui, l’avant-veille, en fin de crépuscule, avait traversé le chemin à quelques dizaines de pas de là. Peut-être que, assis et leur truffe tournée vers le ciel, ils regardaient comme moi l’essaim des Géminides filer ses étoiles et rêvaient leurs rêves de sangliers.

Ce texte est extrait de mon livre Carnets de nuits.

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À la fin de l’automne et au début de l’hiver, la superbe constellation d’Orion s’élève au-dessus de l’horizon sud-est en cours de soirée. Ses principales étoiles sont brillantes et faciles à identifier à l’œil nu, même lorsque le fond du ciel est éclairé par de la pollution lumineuse ou, comme ici, par une belle Lune qui illumine le paysage enneigé.
© Guillaume Cannat

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